la ruelle des morts (frida)

il est l'heure à laquelle les vies s'arrêtent.
il est l'heure à laquelle cette misérable banlieue meurt.
elle meurt tous les jours, d'ailleurs. lorsque l'obscurité tombe comme un voile noir sur le béton et les murs décrépis. les rues se vident. les âmes fuient. elles fuient, parce qu'ici, l'obscurité oppresse. l'obscurité angoisse. le noir est d'un noir qu'on ne connait qu'ici. et pourtant, magnus est là et d'une nonchalance qui le caractérise, il vogue dans les rues de la ville. sans trop savoir où aller, d'ailleurs.
magnus est comme ça, il avance sans trop savoir pourquoi. il n'a jamais de destination, jamais de point d'arrivée. c'est pour ça que magnus se perd souvent. qu'il est souvent perdu.
pourquoi magnus est dehors ? parce qu'il l'est souvent, dehors. il aime bien sortir dans cette ville. ça lui rappelle ô combien elle est pourrie. triste. sombre. froide. mais magnus y tient quand même. parce que sans cette ville, magnus serait perdu. et encore plus sans les âmes qui la peuplent.  
pourtant ce soir là, magnus va se souvenir pourquoi il n'aime pas tellement cette ville, en fait.
magnus marche. puis il voit. il voit cette ombre, ces lignes, ces courbes. malgré l'obscurité, il sait, et comprend. il comprend qu'il va en avoir pour des heures parce que y'a frida, il s'exaspère. il déglutit, lève les yeux au ciel. puis il soupire. les deux âmes s'approchent, petit à petit. elle ne l'a pas encore remarqué. lui si. il hésite, à ce moment, à baisser la tête, la recouvrir de sa capuche, et changer de trajectoire.
mais elle est déjà là, en face de lui. frida, c'est pas une heure pour les gamines comme toi. il ne sourit pas. ne réagit pas. il garde même, une certaine distance avec elle. magnus est con. c'est un con, parce qu'il s'imagine toujours qu'en voyant frida, il va mourir étouffé par sa légèreté et sa connerie.

magnus aussi lève les yeux au ciel.
mais pas pour regarder les astres briller. mais parce que il y a frida et sa voix stridente. puis en quelques secondes, magnus est tiré par cette rousse, un peu trop, sautillante. et un peu trop heureuse pour lui, aussi. mais magnus n'a rien le temps de faire, de dire, que son corps s'est déjà déplacé sous la force, certes précaire, de frida. malgré la noirceur des lieux, magnus a su déchiffrer le sourire de la rousse. elle sourit toujours frida, de toute façon.
elle veut voir les étoiles. elle veut voir ces choses qui sont mortes depuis des milliers d'années. pas magnus, magnus s'en fout du ciel, s'en fout des étoiles, s'en fout de la galaxie dans sa totalité. mais y'a frida. et quand frida est là, magnus fait des choses qu'il n'aime pas. il lui dit, à frida que c'est nul, que ça ne l'intéresse pas. enfin, il fait semblant de ne pas être intéressé. parce qu'au fond magnus, il fait toujours semblant.  
magnus est un peu perdu. parce que magnus est un peu dans les nuages, là. un peu parce qu'il est fatigué. beaucoup parce qu'il en a encore pris, dans ses chaussettes. alors les réactions de magnus sont un peu confuses. encore plus face à frida. elle est déjà partie, emportant magnus. frida c'est ce raz-de-marée de légèreté et de bonheur qui submerge les autres, sans qu'on ne lui demande.
frida parle. magnus soupire, encore une fois. il ne fait que ça de toute façon. soupirer. une seule question, et magnus a l'impression d'être à un interrogatoire. pourtant, il n'y a qu'une seule question.
un peu d'efforts, magnus. elle est gentille, frida.
j'suis toujours seul. magnus ment. enfin, ce n'est ni totalement vrai, ni totalement faux. et j'aurais préféré l'être encore. magnus est froid. mais magnus, au fond, il rigole un peu. il sait qu'il peut le faire, avec frida. c'est dingue d'ailleurs, tous ces gens qui continuent à côtoyer magnus. j'suis un homme de la nuit, moi. j'sors qu'aux heures sombres. c'est mieux, parce qu'au moins, y'a personne pour m'emmerder frida et magnus s'avancent, s'enfoncent un peu plus dans l'obscurité. il ne sait pas où elle l'emmène. mais magnus ne résiste pas. il se laisse guider. mais malheureusement t'es là, donc c'est raté.