DÉPRESSION NUMÉRO SEIZE

j’ai mal de partout à mes sentiments
éléonore
quand on sortait ensemble et que je trainais avec elle et ses copines, je les entendais toujours l’appeler "léo". comme un garçon. comme léo ferré. comme leo di caprio. comme leo (le signe astrologique lion). ça me faisait froncer les sourcils j’étais pas d’accord. moi, je ne coupe les prénoms de personne, surtout si c’est pour que ce soit moche, surtout si c’est pour la faire ressembler à un garçon, je sortais pas avec un garçon moi. une fois j’ai dit à tatiana (je crois) : mais pourquoi tu dis pas son prénom en entier, t’as pas le temps ou quoi, ça te demande trop d’effort ? elles m’ont regardé un peu bizarrement. elles m’ont toujours regardé un peu bizarrement. depuis qu’éléonore m’a largué, elles me regardent différemment, un peu avec pitié, parfois y en a une qui me sourit, mais seulement si elle est toute seule. elles doivent être bien contentes que je sois plus avec "léo".
éléonore.
j’écris encore son prénom dans mes cahiers. mes copains disent que je suis trop con.
éléonore.
parfois je l’écris en majuscule, parfois je l’écris en tout petit dans un coin de la marge et je fais des cœurs à la place des accents, même si je sais que normalement, on fait ça pour les points des i. parfois je l’écris en italique parce que je trouve ça encore plus joli, et parfois même je le calligraphie et je fais des soleils autour, parce que c’est ce qu’elle était pour moi, mon soleil d’1m56, mon soleil de seize ans et demi. éléonore. d’autres fois je l’écris en écartant les lettres les unes des autres, comme si ça pouvait réussir à l’écarter de moi. en fait si j’étale les lettres comme ça en travers du haut de mes feuilles, c’est pour montrer à quel point elle prend de la place chez moi.
éléonore.
mais c’était pareil avec emma, jade, kelynn, lola. elles avaient juste des moins jolis prénoms.
victor, tom et quentin ont sûrement raison. je tombe amoureux de trop de filles, trop souvent. à eux trois réunis ils ont jamais été amoureux d’autant de filles. c’est vrai qu’à mon âge c’est peut-être pas normal, d’avoir aimé autant, déjà, si tôt. si je continue comme ça, peut-être que quand j’aurais trente ans, j’arriverais plus à aimer. mais je peux pas m’arrêter. éléonore j’ai l’impression que je n’arriverais jamais à l’oublier et j’écris son prénom dans tous mes livres mais il suffit qu’une leila débarque et c’est terminé.
ils ont raison je suis trop con.
ma psy dit que mes copains me disent trop souvent que je suis trop con quand il s’agit des filles. elle a dit que c’était pas bien. mais moi je sais quelque chose qu’elle, elle sait pas, et c’est tellement précieux pour moi que je me le garde. elle sait pas qu’ils me disent que je suis trop con parce qu’ils arrivent pas à dire autre chose, parce que c’est le seul truc qu’ils peuvent me dire. elle sait pas la tendresse qu’il y a dans leurs yeux quand ils me disent "t’es trop con". c’est comme un câlin pour moi. et je lui dirai pas, parce que cette petite phrase, c’est presque aussi important que toutes les éléonore du monde réunies dans ma chambre.

bonheur chronique
si je tombe tout le temps amoureux c’est aussi peut-être parce que je suis malade.
pas tout le temps.
juste quelques fois.
comme des rhumes. ça dure une, deux semaines.
ça s’arrête.
ça revient.
c’est comme un virus qui traine et que moi, j’attrape à chaque fois parce que je suis pas protégé.
alors je prends des médicaments. parfois j’en prends même quand je suis pas encore malade, parce que je me dis que ça m’empêchera de l’être plus tard. ça repoussera un peu. ça guérira en avance. mais ça retarde rien. c’est comme ça. je peux pas m’en débarrasser. alors je fais avec. je vais à l’école. je rigole avec les copains et je me force à parler d’éléonore pour leur faire croire que je suis pareil qu’hier. sauf que c’est pas vrai. hier, il y avait des fleurs et des rires à l’intérieur de moi. mais quand je me suis levé ce matin, il y avait plus rien. juste du noir. moi tout noir à l’intérieur. une nuit mais sans étoiles, et une qui dure des éternités. ça fait pas mal. au contraire, ça fait rien. je me suis assis sur le bord de la baignoire et le monde s’est arrêté. enfin non, il continuait, j’entendais ma mère chanter dans sa chambre. mais il aurait pu s’arrêter, ça m’aurait rien fait, j’aurais pas réagi. il se passait plus rien à l’intérieur de moi. et je trouvais ça pas grave. ça me gênait pas. quelqu’un me disait dans ma tête que c’était pas agréable, comme siège, et un peu froid aussi, mais je pouvais pas bouger, et je m’en foutais un peu. et puis je me suis dit qu’il fallait que je bouge. fallait que j’aille à l’école. et là j’ai compris que j’y arriverai jamais. je préférais crever plutôt que d’essayer de me lever et me retrouver par terre. je préférais rester comme ça, parce que je savais que ça, j’en étais capable. rester comme ça. pas bouger. mais fallait que j’aille à l’école. je me suis mis à pleurer. j’ai pensé que l’école était à onze arrêts de bus de chez moi, que l’arrêt de bus était dans la rue de l’autre côté du carrefour près de là où j’habite, que la porte d’entrée est tout en bas des escaliers et que j’étais même pas habillé. et que j’allais jamais y arriver. juste ça. aller en cours.
ça allait à fond les ballons.
montrer ma carte au conducteur du bus et lui dire bonjour, trouver une place, descendre du bus, chercher les garçons, entendre la sonnerie, croiser tous ces gens, croiser éléonore aux casiers, les néons qui font mal aux yeux accrochés au plafond partout dans le lycée, trouver ma salle de cours, rentrer dans la salle et chercher une place au fond, sortir mes cahiers et ma trousse, aller en récré, monter des escaliers, aller aux toilettes, faire la queue au self. parler, sourire, mettre un pied devant l’autre. impossible.
plus j’y pensais, plus je m’y imaginais, plus je pleurais.
je voulais m’allonger et attendre que ça passe.
ça = la vie.
c’est pas grave. ça ira mieux la semaine prochaine.

et puis j’ai rencontré un garçon.

   

christine and the queens - paradis perdus
kid wise - l'innocence
burial - come down to us
scratch massive - break away
thylacine - home

prénom: élodie / pseudo: interstellaire / localisation : poitiers / tu fais quoi dans la vie ? : je vais à macdo /  avatar : tom emmerson / un joli mot : c'était ce header là que je voulais